L’ordonnance du TGI de Versailles
Ordonnance de référé du Tribunal de Grande Instance de Versailles du 22 octobre 1998 – (Annulée par la Cour d’appel de Versailles)
Attendu que la commune d’Élancourt a ouvert un site Internet dit « Ville d’Élancourt » ;
Attendu que M. Loïc Lofficial. a ouvert à titre personnel un site Internet dit « Élancourt, Bienvenue à Élancourt » ;
Attendu que la commune d’Élancourt estime que le site de M. Lofficial. prête à confusion avec celui de la commune d’Élancourt,
Attendu que par exploit d’huissier en date du 21 septembre 1998 la commune a fait assigner devant nous en référé M. Loïc Lofficial. pour voir ordonner la cessation par celui-ci de l’utilisation du nom d’Élancourt sur son site Internet, ordonner la fermeture du site Internet sous le nom « http://www.chez.com/elancourt » et ce sous astreinte de 100.000 francs par jour de retard et le voir condamner à lui payer en outre une somme de 10.000 francs au titre de l’article 700 du nouveau code de procédure civile;
Attendu que la commune d’Élancourt a fait valoir qu’elle a déposé à l’Institut National de la Propriété Intellectuelle un logo type de la « Ville d’Élancourt »;
Qu’elle fait valoir que l’utilisation du nom de la ville, des armoiries de la ville, la présentation donnée dans les écrans successifs créé dans l’esprit des utilisateurs de ce site une confusion telle que ceux-ci peuvent croire consulter le site municipal alors qu’il ne s’agit que du site créé par un simple particulier ;
Attendu que M. Lofficial conclut à l’irrecevabilité de la demande aux motifs du défaut de qualité et capacité à agir du maire de la commune d’Élancourt, non spécialement habilité par le conseil municipal, de ce que le logo de la ville d’Élancourt n’a pas fait l’objet d’un dépôt titre des télécommunications, que la procédure de référé n’est pas utilisable faute d’une action au fond engagée compte-tenu des termes de l’article L. 716-6 du code de la propriété intellectuelle ;
Attendu qu’à titre subsidiaire M. Lofficial estime qu’il ne saurait exister de trouble manifestement illicite due à une prétendue confusion entre la marque complexe de couleur semi-figuratif « Ville Elancourt-Yvelines » et la syntaxe « Élancourt », que le maire détourne la procédure normalement utilisable en matière de référé-contrefaçon en s’abstenant de saisir la juridiction de fond ;
Qu’il estime avoir droit de conserver ce site librement et d’y exprimer ce qu’il veut en application de l’article 10.1 de la Convention européenne des droits de l’homme et de l’article 11 de la déclaration des droits de L’Homme et du citoyen ;
Qu’il fait remarquer avoir le droit d’utiliser les armoiries de la ville d’Élancourt ;
Qu’il demande reconventionnellement la condamnation de la commune Élancourt lui payer la somme de 100.000 francs à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et à une amende civile de 10.000 francs, la publication de la présente ordonnance sur le site Internet et sur deux revues ou trois quotidiens nationaux et la condamnation de la commune d’Élancourt à lui payer la somme de 50.000 francs au titre de l’article 700 du nouveau code procédure civile ;
Attendu que le maire de la commune fait valoir disposer d’une habilitation et fait remarquer que son action vise l’article 809 du nouveau code de procédure civile;
Sur quoi, nous, François Grosjean, premier vice-président, juge des référés,
Sur la recevabilité :
Attendu que le maire de la commune d’Élancourt a été habilitée par délibération du conseil municipal en date du 15 décembre 1997 conformément à l’article L. 2122-22 du code des collectivités territoriales à intenter au nom de la commune des actions en justice ou défendre la commune dans les actions intentées contre elle en toute matière ;
Attendu qu’en vertu de sa délégation le maire était parfaitement en droit d’exercer une action référé au nom de la commune pour défendre les intérêts de celle-ci ;
Attendu qu’en dehors de la protection ou non d’un logo cette action vise à protéger les droits de la commune sur le site Internet qu’elle a créé ;
Que cette action vise bien à défendre les intérêts de la commune ;
Attendu que cette action est recevable en ce qu’elle est fondée sur l’article 809 du nouveau code de procédure civile ;
Sur la demande proprement dit :
Attendu qu’en application de l’article 809 alinéa premier du nouveau code procédure civile le président peut toujours, même en présence d’une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite ;
Attendu que M. Lofficial a ouvert sur Internet ainsi intitulé : » Elancourt, Bienvenue à Elancourt »
Attendu que les parties donnent par constat d’huissier le descriptif de connexion à ce site Internet et des photographies des images et textes apparaissant sur l’écran de l’ordinateur au fur et à mesure de la consultation ;
Attendu qu’après s’être connecté sur ce site à l’appellation « Elancourt, bienvenue à Elancourt », le consultant voit apparaître sur les écrans qui suivent une présentation de la commune d’Élancourt et de sa vie municipale ;
Que ces éléments laissent penser au consultant qu’il se trouve sur un site géré par la commune d’Élancourt ou par une association para-municipal mais ne permettent pas d’imaginer de prime abord il s’agit d’un site tenu par un particulier et exploité à des fins privées ;
Qu’en effet même si M. Lofficial a mis en encart un petit avertissement, la présentation tendancieuse du site ne contribue pas à détromper le consultant ;
Que visiblement M. Lofficial, en naviguant malicieusement à la limite de l’apparence officielle au moyen des informations données sur la vie municipale et l’administration de la commune, maintient cette confusion ;
Attendu que dès lors dans ce contexte le simple nom » Elancourt, Bienvenue à Elancourt » correspond à cette présentation malicieuse et tendancieuse ;
Attendu qu’ainsi la présentation donnée par M. Lofficial à son site Internet » Elancourt, bienvenue Elancourt » créé, par l’appellation trompeuse suivie des premiers éléments de consultation du site, une confusion dans l’esprit du consultant Internet et que cette confusion est constitutive d’un trouble manifestement illicite pour la commune d’Élancourt ;
Que les grands principes mis en avant par M. Lofficial doivent être précisément être suivis par lui en agissant dans le respect des droits de la commune d’Élancourt ;
Que les consultants Internet ne doivent pas être induit en erreur et trompés par une présentation tendancieuse et savoir clairement et sans ambiguïté s’ils sont connectés sur le site de la mairie sur celui d’une association para-municipale ou non, et laquelle, sur celui d’un parti politique ou d’une simple liste locale avec précision du nom de ce parti ou de cette liste ou s’ils sont simplement connectés avec un site d’un particulier.
Qu’il convient d’ interdire à M. Lofficial de maintenir son site Internet sous le nom « Elancourt, bienvenue à Elancourt » et que M. Lofficial doit, s’il veut conserver son site Internet, y donner une appellation plus conforme à la réalité et en tout cas sans confusion possible avec le site Internet de la ville d’Élancourt ;
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, par ordonnance contradictoire, en référé,
Vu l’article 809 du nouveau code procédure civile,
Déclare l’action recevable,
Ordonnons à M. Loïc Lofficial de cesser d’utiliser l’appellation « Elancourt, bienvenue à Elancourt » pour son site Internet le tout sous astreinte dont nous nous réservons la liquidation de 10.000 francs par infraction constatée,
Rejetons les demandes de M. Lofficial,
Condamnons M. Loïc Lofficial à payer à la commune d’Élancourt une somme de 5000 francs au titre de l’article 700 du nouveau code de procédure civile,
Condamnons M. Loïc Lofficial aux dépens.
Ainsi prononcé en audience publique des référés, le 22 octobre 1998, et ont signé le président et le greffier.